Le réchauffement des océans affecte déjà tous les écosystèmes, prévient l’UICN

21 Sep

Le réchauffement des océans affecte déjà tous les écosystèmes, prévient l’UICN

arton10436-a394a
Le grand congrès mondial de la biodiversité, rendez-vous de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN), s’est achevée à Hawaï. La situation de la biodiversité mondiale ne s’améliore pas. Et les océans sont maintenant aussi durement affectés par les activités humaines.

C’est le plus grand rassemblement des experts de la biodiversité dans le monde. Le congrès de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN) s’est clos samedi 10 septembre, après dix jours de discussions à Honolulu, à Hawaii, dans le Pacifique. Plus de dix mille décideurs politiques, universitaires, membres d’ONG, représentants des peuples autochtones ou dirigeants d’entreprises étaient réunis pour ce rendez-vous organisé tous les quatre ans par l’UICN. Cette structure qui rassemble ONG, chercheurs et organismes gouvernementaux est avant tout connue pour sa liste rouge des espèces menacées, mise à jour à l’occasion du Congrès. Mais comme vous l’expliquait ce vendredi Reporterre, l’actualisation de ce document est permanente. Cette grande réunion a donc surtout permis aux observateurs et défenseurs de la biodiversité dans le monde de tirer la sonnette d’alarme, et donner des pistes pour mieux la protéger.

93 % du réchauffement de la planète par les océans
En particulier, un rapport sur le réchauffement des océans a été dévoilé. Il indique que depuis 1970, 93 % du réchauffement de la planète dû aux activités humaines aurait été absorbé par les océans. L’UICN en résume les conséquences :
« Le réchauffement des océans affecte déjà tous les écosystèmes, des régions polaires jusqu’aux régions tropicales, et conduit des groupes entiers d’espèces comme les planctons, les méduses, les tortues et les oiseaux de mer à remonter de 10 degrés de latitude vers les pôles.
Cela entraîne la perte des aires de reproduction pour les tortues et les oiseaux de mer, et affecte les chances de succès de la reproduction des mammifères marins (…). En détruisant l’habitat des poissons et en poussant les espèces de poissons à se déplacer vers des eaux plus froides, le réchauffement des océans affecte les stocks de poissons dans certaines zones, et devrait entraîner une réduction des prises dans les régions tropicales. »
Des effets sur le climat, la diffusion des maladies animales et végétales qui mettent aussi en danger la santé humaine, l’augmentation du nombre d’ouragans, etc, sont également signalés.

Appel à la prudence sur la biologie de synthèse
biologie_de_synthe_se_v_0
La biologie de synthèse est devenue plus facile avec la technique Crispr-CAS9 de découpage des gènes

Dans un tout autre domaine, les membres de l’UICN ont également appelé à la prudence en ce qui concerne la biologie de synthèse, qui permet de manipuler les gènes des espèces. Cette technique pourrait permettre de sauver certaines espèces, par exemple en leur donnant des gènes de résistance à certaines maladies, mais pourrait aussi gravement perturber les écosystèmes. La motion adoptée sur le sujet « appelle la directrice générale et les commissions [de l’UICN] à évaluer de toute urgence les incidences des techniques de forçage génétique », et également à effectuer une évaluation, d’ici 2020, des « organismes, composantes et produits issus de la biologie de synthèse ».

Cette position semble répondre à l’appel lancé par des écologistes connus comme Vandana Shiva ou David Suzuki. La biologie de synthèse, ou pilotage des gènes, permet d’introduire des gènes dans une bactérie, par exemple, pour qu’elle produise une substance donnée : un médicament, ou du carburant, entre autres.

Enfin, le Congrès a adopté des « Engagements d’Hawai’i ». Trois « problématiques essentielles » sont mises en avant comme axes des politiques de conservation de la biodiversité pour les décennies à venir : les liens entre « diversité biologique et culturelle » ; l’importance « des océans du monde pour la conservation de la biodiversité » ; et « la menace à la biodiversité issue de la disparition de l’habitat et des espèces exotiques ».

Comme solutions pour préserver la biodiversité, le rôle des peuples autochtones, mais aussi des jeunes est mis en avant. Cinq défis sont listés : « conserver la nature face à l’agriculture industrielle », « préserver la santé des océans du monde », « mettre fin au trafic d’espèces sauvages », faire face « aux changements climatiques » et « s’engager avec le secteur privé ».

« Nous devons entreprendre des transformations profondes dans la façon dont nos sociétés humaines vivent sur Terre, et notamment sur nos schémas de production et de consommation », avance également le texte.

Les déclarations de l’UICN n’engagent aucun État. « Mais n’étant pas une assemblée de gouvernements, l’UICN peut se permettre de lancer des alertes et prendre des positions plus fortes, note Jean-David Abel, responsable biodiversité à France Nature Environnement, une association membre de l’UICN en France. On espère que ces déclarations auront un impact sur la Convention sur la diversité biologique des Nations Unies, qui a lieu dans seulement trois mois.

Car pour l’instant il y a beaucoup de déclarations de bonnes intentions, mais il faut que les pays les déclinent en programmes de protection précis. Il faut une prise de conscience, comme pour le changement climatique, et l’UICN a la légitimité pour lancer l’alerte. »

Un dixième de la nature sauvage de la Terre s’est artificialisé en vingt ans seulement
nature_sauvage_disparue_v_1
Une recherche parue dans la revue scientifique Current Biology constate qu’en vingt ans, la superficie des espaces sauvages – ne subissant pas de perturbation humaine – a diminué de 10 %. «

Aujourd’hui, les milieux sauvages se dégradent à une vitesse supérieure à celle de leur protection, prévient James Allan, un des chercheurs. Si on continue à ce rythme, il ne restera aucune parcelle de nature vierge d’ici à la fin du siècle. »

12 septembre 2016 / par Marie Astier (Reporterre)